Émaischen: français
Emaischen/Emmaus Markt: allemand
Eimaischen/ Emmausmaart: luxembourgeois
C'est le marché d'Emmaüs, village vers lequel deux disciples faisaient route quand ils ont vu le Christ le lendemain de Pâques
 
Peckvillchen: sifflet d'oiseau
pluriel: Peckvillercher
 
Il s'agit sans doute d'un des premiers Peckvillercher de Jean Peters.
Un sifflet très proche porte les initiales P. J.
1963 - les jeunes princes Henri, Marie-Astrid, Margaretha et Jean au Emmausmarkt
     
   EUROPE:   LUXEMBOURG: les sifflets d'Eimaishen
  Borne
Ville de Luxembourg 2003
               
  Le matin du Lundi de Pâques, en marchant dans les rues du vieux Luxembourg près du Palais Grand Ducal, vous serez surpris d'entendre le chant de rossignols et de coucous.
C'est Émaishen, diminutif d'Emmaüs mais aussi synonyme au Luxembourg du marché des "Peckvillercher", fête des sifflets de terre cuite.

Depuis l'aube, des fabriquants de sifflets de céramique venus de toute l'Europe ont installé leurs étalages pour vendre les Peckvillercher aux enfants. Même la famille grand ducale venait dans les années 1970 acheter ses sifflets à la fin de la matinée.

Il est intéressant d'étudier cette foire car c'est un bon exemple de la difficulté d'interpréter les traditions populaires.

 
  Penser qu'une telle tradition est la continuité de rites anciens où le son des sifflets célébrait le retour du printemps semble évident mais l'histoire de cette foire donne un autre regard sur cette interprétation.

Le Lundi de Pâques correspondait à la célébration de la fête de la guilde des potiers à l'église Saint Michel, peut-être à cause d'un passage de la Bible:

" Je descendis chez le potier, et voici qu’il travaillait au tour. Mais le vase qu’il fabriquait fut manqué, comme cela arrive à l’argile dans la main du potier. Il recommença et fit un autre vase, ainsi qu’il paraissait bon au potier " (Jr 18,4-5)
Ce verset est associé à la résurrection et présent dans d'anciennes liturgies de ce jour.

Cette fête était suivie d'un marché de potiers mais nous sommes encore loin de la fête d'Eimaschen. Aucune citation de cette fête dans les nombreuses sources sur les fêtes luxembourgeoises anciennes. Même le marché n'apparaît pas dans les statistiques anciennes.

Ce marché d'Emmaüs est cité pour la première fois dans une lettre du 3 avril 1827.
L'inspecteur de police Jhemp Müllendorf propose dans cette lettre au conseil municipal de déplacer cette foire vers le marché aux poissons ce qui sera fait dès le 16 avril 1827. Il évoque le grand bruit causé par le marché et les nombreux enfants qui perturbent la messe.

Le lundi de Pâques se tient une petite foire, principalement en poterie, en face de l'église Saint Michel, et elle attire un grand rassemblement de monde, surtout d'enfants. (...)

 
  On peut supposer que ces enfants étaient attirés par les jouets vendus ou offerts sans doute aux enfants des clients parmi lesquels les sifflets tenaient une place importante comme dans toute l'Europe.
Le marché d'Emmaüs perd peu à peu son caractère de marché de potiers pour devenir un marché de bric à brac. Mais avant 1914, beaucoup d'enfants venaient encore y acheter des jouets en argile produits pour beaucoup au village voisin de Nospelt.

Nous sommes là bien loin des rites agraires souvent évoqués pour cette fête. Bien sûr, le chant des sifflets marque aussi la fin de l'hiver surtout pour les modèles globulaires dont le son évoque le coucou, symbole du retour du printemps. Mais il faut noter que dans l'histoire d'Eimaischen, cette symbolique tient une faible place! De plus, la majorité des sifflets anciens ne sont pas des "coucous" (sifflets globulaires) mais des "rossignols" (sifflets à eau).
Enfin, nulle trace de la coutume parfois citée où les jeunes gens se seraient échangé des sifflets en gage d'amour.

 
  De cette époque, il subsiste peu de sifflets pour témoigner de la production ancienne luxembourgeoise. Un sifflet tubulaire daté entre le 16ème et le milieu du 18ème siècle semblable aux nombreux sifflets implantés dans les sifflets à eau a été trouvé à Luxembourg malheureusement, l'absence du corps du sifflet ne permet pas de connaître la forme générale.
Un autre sifflet semblable trouvé au château de Boursheid peut être daté entre les 14ème et 16ème siècle.

A coté de ces sifflets à eau, un fragment de cavalier est proche dans sa typologie des sifflets de cette forme fabriqués à l'époque dans l'Est de la France et en Allemagne.

Fragment de cavalier (sifflet?)
Fin 15°, Début 16°S
Prov Fonds anciens
Musée National d'Histoire et d'Art
Luxembourg
 
 
Sifflet de sifflet à eau
ca 1500-1750
Musée National d'Histoire et d'Art
Luxembourg
 
  Ces sifflets sont certes peu nombreux mais témoignent de l'ancienneté de la production de sifflets au Luxembourg.
Situé au coeur d'une région où la production médiévale a été très riche (Raeren, Flandres, Metz, Vallée du Rhin...), c'est l'absence de sifflet qui aurait été anormale.

 
 
Sifflet à eau
1850-1914
Terre cuite vernissée de Nospelt
Musée National d'Histoire et d'Art
Luxembourg
La production moderne antérieure à 1914 n'est guère mieux connue. Un sifflet à eau très original est exposé au Musée National d'Histoire et d'Art de Luxembourg. Son originalité vient du col ouvert qui remplace la tête de l'oiseau alors qu'un trou de remplissage (ou de trop plein?) existe sur le dessus du sifflet (coté gauche)

Il témoigne de la production du village de Nospelt où l'industrie potière va s'arrêter en 1914 quand Nicolas Schneider (1868-1941) allumera pour la dernière fois le four.
C'est la fin provisoire d'une longue histoire car les potiers de Nospelt étaient attestés dans ce village depuis 1458.

 
  Après l'interruption de la première guerre, la fête d'Émaishen va continuer à Luxembourg mais déclinera d'année en année. Les sifflets vendus provenaient depuis longtemps de la région voisine allemande de l'Eiffel.

C'est en 1937 qu'à l'initiative d'habitants de la vieille ville, un comité, le comité Alstad, va se mettre en place pour faire renaître la vieille tradition. Un texte luxembourgeois nous dit qu'en 1938, furent vendus les premiers Peckvillercher luxembourgeois depuis 20 ans.

Le premier de ces "nouveaux" potiers sera Jean Peters de Reckental qui moulera de nombreux modèles avec la terre de Nospelt. Ces sifflets moulés reflètent l'influence des centres voisins allemands ou belges de Drachenfelds, Heinbach ou Raeren.
Jusqu'à sa mort en 1980, ce sont des milliers de sifflets qui sortiront des mains de cet homme qui travaille le reste de l'année dans une usine de céramique.

La forme d'un de ses oiseaux est devenu le symbole du peckvillchen et est produite sans changement jusqu'aujourd'hui.
Ils seront même fabriqués avec de la terre à pipe à Andenne en Belgique. Portant souvent le tampon Made in Luxembourg sous le socle, ce peckvillchen a l'honneur d'un timbre en 1981.

Peckvillchen (Jean Peters?)
milieu 20° S.
Terre cuite vernissée de Nospelt
Col. privée
 
 

 
  Aujourd'hui, le marché se tient toujours au marché aux poissons mais il a débordé sur les rues avoisinantes pour accueillir bien d'autres artisans. Émaishen est maintenant une fête importante pour la ville de Luxembourg. Touristes et stands envahissent les rues. Le "festival du sifflet" dure toute la journée, toujours animé par son dynamique comité.

Pour plus de renseignements sur Eimaischen: http://www.comitealstad.lu/ le site du comité
Depuis 1957, cette fête est aussi célébrée à Nospelt. Tous les sifflets qui y sont vendus portent le tampon Nospelt et l'année de fabrication.
Chaque année voit apparaître de nouveaux modèles ou de nouvelles glaçures. Les potiers de Nospelt réalisent aussi un "objet de l'année". Il était normal qu'en 2000,cet objet ait été un sifflet en forme d'oiseau de grande taille pour écrire avec confiance la première page de l'aventure des sifflets au Luxembourg au 3ème millénaire.
 
 

1er plan divers Peckvillercher de Nospelt
1984,1985,1986,2001
Arrière plan: objet de l'année de Nospelt an 2000
Col. privée