EUROPE:   Barcelos: les femmes artistes de l'argile
  Barcelos
Musicien
Rosa Côta
               
 

Peu de potiers sont sortis de l'anonymat car c'est à partir des années 1970 qu'on a commencé à s'interesser à la production de figurines et sifflets de certains potiers de Barcelos: les "barristas".

A cette époque, la production était majoritairement faite par des femmes. Mistério était le seul homme à modeler des figurines. Il avait d'ailleurs été élevé par deux femmes (sa mère et sa grand-mère) sans connaître son père.

La transmission de mère en fille est un schéma qui a duré de la fin du 19ème siècle à la fin du 20ème siècle dans les paroisses de Santa Maria et Sao Martinho autour de Barcelos.

C'est donc justice si la célébrité est venue pour cette production grace à une femme, Rosa Ramalho, dont les sculptures ont été admirées dans tout le pays et à l'étranger.

La production du 20ème siècle est en majorité attribuée à quatre familles.
 
 
1977
Rosa Côta

Les Da Rocha dit "Côto"

Cette dynastie sort de l'anonymat avec João Domingos da Rocha (Domingos Côto 1880-1969). Il est le créateur dans les années 1930 du célèbre coq de Barcelos inspiré d'une légende locale du XIVe siècle. Ce coq est devenu dans les années 1950 le symbole du tourisme portugais.

La fille de Domingos Côto, Rosa Côta (Rosa Da Rocha) est née vers 1904. Elle commence à modeler des figurines dès l'âge de 15 ans. Son frère, João Côto avait également fabriqué des figurines.

Elle se marie à Edouardo Fernandes de Souza, potier spécialiste des rossignols (sifflets à eau). Sa belle soeur, Maria Sineta, faisait également partie des créatrices de figurines de Barcelos jusqu'à son décès vers 1996.

Les modèles traditionnels de Rosa Côta étaient les coqs, les poules et leurs poussins mais aussi les boeufs et les musiciens. (voir le sifflet du mois de février 2005)

Rosa Côta est décédée mais sa fille Júlia Côta a depuis longtemps repris la tradition des sifflets et figurines. Son autre fille Emilia Côta continue aussi à produire les fameux coqs de Barcelos.

 
 

Les Balada dit "Baraças"

Ana Balada (Ana Baraça) est la fille de Manuel Balada. Femme de Manuel Pereira, spécialiste des figurines représentant le tueur de cochon, elle modèle jusqu'aux années 90 de nombreux sifflets. Bébés sur leurs chaises ou au berceau, joueurs de mandoline, femmes conduisant les boeufs, ses figurines sont pleines de vie.

Leurs enfants, Fernando et Rosalina continuent aujourd'hui la production.

attribué à Ana Baraça
milieu 20ème
 
 
années 1970
signé Mistério

Mistério

Domingo Goncalves Lima dit Mistério est avec Rosa Ramalho un des potiers les plus célèbres de Barcelos.

Beaucoup de ses modèles sont très classiques et proches de ceux des Côto ou Baraças mais il y apporte souvent une note de fantaisie.

A coté des classiques familles de poules, tueurs de cochon, musiciens ou bébés sur une chaise, il a introduit des diables ou animaux fantastiques dans le monde des sifflets.

Décedé vers 1995, ses enfants Manuel et Francisco continuent la production. Ils signent Mistério du surnom donné à leur père.

 
 
Paires de boeufs
attribué à Rosa Ramalho

Rosa Ramalho

Curieusement, Rosa Ramalho, la plus célèbre des artistes de Barcelos, a commencé très tard à modeler ses figurines. Née en 1888 dans le village de Santa Maria de Galegos, Rosa Barbosa Lopez, fille de cordonnier, se marie à 18 ans à un meunier. Elle élève ses sept fils et s'occupe de sa famille pendant près de 50 ans. C'est au décès de son mari qu'elle commence à 68 ans à modeler des figurines. Elle avait appris enfant cette technique.

Sa production, vernissée en marron et plus fantaisiste que les figurines des potiers professionnels va lui apporter la renommée. Parmi ses figurines, les sifflets sont assez rares et reprennent des modèles traditionnels. Elle décède en 1977.

Sa petite fille, Julia Ramalho née en 1946, continue la fabrication.

 
 
figurine
Sapateira

...

La fabrication de figurines de Barcelos continue aujourd'hui avec de nouveaux artistes comme Maria de Conceição Alves Fernandez, surnommée Conceição Sapateira. Née en 1952, fille de cordonnier, elle a appris de sa mère cette technique mais a rompu la tradition en fabriquant des figurines en faïence aux glaçures colorés.

Ses modèles sont souvent d'inspiration religieuse et comme souvent dans la production moderne de Barcelos, les sifflets sont absents. Les pièces sont beaucoup plus grandes que les petites figurines anciennes.

 
 

La vie des potiers

Le 20ème siècle a marqué une mutation profonde dans la vie des potières de Barcelos. Au début du siècle, leurs maris parcouraient les foires du pays pour vendre la production. Les figurines modelées par les femmes étaient ajoutées aux fournées de vaisselle et vendues aux enfants pendant ces foires.

Ce mode de vente va continuer longtemps. Dans les années 1960, certains potiers vendaient encore sur ces foires.

La crise de 1929 sera terrible pour les potiers et les anciens potiers ont tous connus la pauvreté. C'est vers 1960 que la production de figurines va prendre le relai de la poterie classique, tuée par le plastique et la faïence industrielle et apporter une relative prosperité aux potiers.

C'est l'époque où les milieux artistiques découvrent l'art "populaire". Aucune des anciennes potières ne savaient lire et écrire, elles ont soudainement les honneurs d'artistes reconnues.

Destinés jusqu'alors aux enfants des familles peu aisées, les figurines sont maintenant vendues aux touristes et aux collectionneurs. Leur typologie a aussi beaucoup évoluée et la vente se fait par des intermédiaires ou directement dans les ateliers.

A Barcelos comme partout ailleurs, la poterie traditionnelle a disparue quand sa fonction utilitaire n'a plus été reconnue par la société. Les artistes ont pris le relais dans notre vie moderne mais leur public est restreint. Quand les anciens potiers apportaient une touche de beauté et de fantaisie dans toutes les maisons, la poterie de Barcelos est maintenant un luxe.