: Centre > Nibelle au 19ème S

 
 
La poterie est toujours importante dans le village de Nibelle jusqu'au 19ème siècle. La majorité des pièces produites sont des pièces d'usage courant vernissées avec une glaçure brun sombre au manganèse.
A coté de la production quotidienne, les tuiliers produisent également des épis de faîtage et les potiers réalisent chaufferettes, porte déjeuners ou cuits pommes mais surtout un pichet à tête de chien, la "bouelle", qui sera imité dans de nombreux centres.
On peut suivre la continuité des familles de potiers depuis les premiers registres paroissiaux du 17ème siècle jusqu'à Emile Rivière, dernier potier avant la guerre de 1914.
Cette continuité remonte sans doute bien avant car les sifflets produits sont dans la continuité des modèles du 16ème siècle.
Les "sublets" de Nibelle contribuent à la célébrité du village et sont présents dans les collections des musées régionaux et nationaux ainsi que chez quelques particuliers. Il est exceptionnel de pouvoir étudier la production de la fin du 19ème siècle à partir de plusieurs dizaines de sifflets.

 
  Cavalier sifflet
Nibelle vers 1900
Cavalier sifflet.
H:8,2cm; L:6.1cm
Nibelle vers 1900
Col. particulière
Les sifflets du 19ème S. :
Même si le sifflet cavalier, représentation d'une certaine image d'un art "populaire", est à juste titre le modèle le plus connu, les potiers de Nibelle comme leurs ancêtres produisaient d'autres modèles de sifflets.

Ces sifflets appartiennent à quatre types principaux:

  • les sifflets cavaliers: ce sont les plus connus. Ils représentent les personnages du village au 19ème siècle.
  • les sifflets en forme de poules: il s'agit de sifflets à eau mais plus fréquemment de sifflets globulaires;
  • les sifflets en forme de mammifères: cette catégorie est formée surtout de petits chiens mais des rats et des souris sont également cités;
  • les sifflets à eau en forme de récipients: seuls deux sifflets sont connus. Un sifflet à la forme classique française de la chevrette à une anse, l'autre est en forme de coupe
Plusieurs des sifflets conservés proviennent de l'atelier de Emile Rivière ce qui autorise à lui attribuer les sifflets similaires mais les autres modèles proviennent sans doute également de cet atelier. Les poteries de Nibelle se sont déplacées en 1826 au château du Hallier, alors en état avancé de délabrement. A cette occasion, la couverture de plusieurs tours avaient été refaite pour y accueillir les fours.
La terre utilisée par les potiers a changée par rapport aux modèles du 16ème siècle. A la terre blanche succèdent une terre rouge moins malléable mais plus solide après la cuisson. L'alourdissement des formes des sifflets provient sans doute en partie de ce changement de terre.
Sans doute l'épuisement des argiles blanches a conduit à abandonner les carrières anciennes comme dans beaucoup de centres potiers français. En 1836, les potiers et tuiliers de Nibelle obtiendront une concession de 25 ans pour exploiter une carrière d'argile par l'intendant des forêts de la couronne.
Quelques rares sifflets sont recouverts de la glaçure marron en usage au 19ème siècle à Nibelle.
 
  Les cavaliers sifflets:
Bien que d'allure plus lourde que les cavaliers sifflets du 16ème siècle, ces sifflets en sont les descendants directs. Même posture du cavalier, même cavité globulaire à l'arrière percée d'une petite fente pour moduler les trilles.
Seule la mode vestimentaire a changé. Aux turbans succèdent les coiffures du village et la mode masculine est à la barbe.
Les musées français conservent plusieurs de ces sifflets portant trois coiffures différentes:
  • le chapeau rond: ce chapeau à bord relevé est la coiffure typique des notables villageois de l'époque
  • le bonnet: souvent interprété comme bonnet du meunier, le bonnet est alors la coiffure courante des villageois. Les paysans comme les aubergistes sont représentés avec ces bonnets.
  • la casaque: si certains ont vu un casque de militaire dans cette coiffe, c'est en oubliant que le casque n'équipera nos militaires qu'au cours de la guerre de 1914-18. Au 19ème siècle, le militaire porte le képi mou ou en tenue de parade, les cavaliers portent des casques hauts ornés de cimiers.
    Il faut se plonger dans l'iconographie de l'époque pour retrouver la coiffure de Nibelle sur la tête des équipages des chasses à cour. Nibelle étant au coeur de la forêt d'Orléans, il n'est pas surprenant de voir ces casaques sur la tête de nos sifflets.
  • le képi mou: c'est bien sûr l'uniforme classique du militaire avant 1914.
Une tête conservée au Musée du Berry de Bourges porte un bonnet orné d'une plume et laisse supposer que bien d'autres modèles pouvaient être fabriqués. De même, un exemplaire sans coiffure est conservé au Musée National de la Céramique de Sèvres.

Cavalier sifflet vernissé.
vers 1900
Musée historique et archéologique de l'Orléanais
Inv A6539

 
  1ex Col particulière
1 ex Musée de Pithiviers
1 ex (buste) Musée de Nibelle     1 ex Musée du Berry     1 ex Musée historique et archéologique de l'Orléanais     1 ex Musée du Berry
1 ex Musée de Pithiviers     Musée du Berry Musée du Berry

 
 
Sifflet à eau glaçuré en forme de poule.
vers 1900
Musée historique et archéologique de l'Orléanais
Inv A 6538

Les oiseaux:
La majorité des oiseaux conservés sont des sifflets globulaires. Les sifflets à eau en forme d'oiseau connus sont glaçurés. S'agit-il d'une production plus ancienne?
Parmi les autres modèles conservés, on note des oiseaux simplement posés sur une base ou encore une poule en train de couver.

Sifflet globulaire en forme de poule.
19 ème siècle
Col. particulière

 
 
Sifflet globulaire en forme de chien.
vers 1900
Col. musée de Nibelle


Tirelire en forme de souris.
vers 1900
H:7.5cm; L:18cm
Col. Musée municipal de Pithiviers
Inv. 58.21

Les mammifères:
Cette catégorie est principalement formée de petits sifflets globulaire en forme de chien. L'embouchure forme la gueule du chien.
Quelle est l'origine de cette forme? Peut-être est-ce un clin d'oeil des potiers à leurs bouelles, ces cruches à tête de chien qui ont fait la renommée du village?
Pour les visiteurs du site qui ne connaîtrait pas l'Orléanais (quel dommage!) , les habitants d'Orléans sont surnommés les "chiens d'Orléanais" pour leur fidélité. C'est donc naturellement que ces cruches s'appelaient aussi des "chiens d'Orléans".
Le terme "bouelle" pour désigner ces cruches est lui plus obscur. La "bouelle" est la jeune fille dans le patois beauceron (de puella en Latin). Nous retrouvons peut-être ici la même origine que les "demoiselles d'Avignon", ces grandes carafes turques en terre vernissée vendues à Avignon et dont les habitants célébrèrent la beauté en les baptisant "demoiselles".
D'autres sifflets en forme de souris ou de rats sont cités à Nibelle. Faute d'avoir observer ces sifflets, il est probable que ces modèles étaient semblables aux tirelires en forme de souris fabriqués dans ce centre.

Pichet à tête de chien.
début 20ème S.
H: 20cm: D: 12cm
Col. particulière

 
 
Sifflet à eau en forme de tasse.
vers 1900
Musée historique et archéologique de l'Orléanais
Inv A 7154

Les sifflets à eau en forme de récipients:
Seuls deux sifflets correspondent à cette catégorie. Sans doute beaucoup de ces siffles étaient-ils fabriqués mais leur forme plus banale n'a pas incité leur propriétaire à les conserver.
L'un de ces sifflet est une petite chevrette maladroitement fabriquée. Essai d'un apprenti? L'autre en terre vernissée se distingue des autres modèles français par l'absence d'anse.
 
  La production de sifflet de Nibelle au 19ème siècle est une des plus variée en France. Si les formes reflètent dans l'ensemble les sifflets fabriqués au 16ème siècle, les potiers ont continués à faire évoluer les sifflets en gardant l'esprit de fantaisie qui caractérise ces objets.
La diffusion demeure régionale. Ils sont souvent offerts aux enfants des clients de la poterie. Ils participent aussi à animer la vie du village.
Un texte, souvent reproduit mais dont l'origine est inconnue, accompagne au Musée de Pithiviers les sifflets et les autres poteries recueillis dans le grenier de la "mère Rivière" dite "mère potière", l'une des dernières représentantes des potiers de Nibelle.
"Quand, selon une tradition il n'y a pas si longtemps disparue, aux jours des noces, le cortège après le repas de midi, se rendait à l'atelier RIVIERE au château du Hallier, acheter la vaisselle du nouveau ménage et revenait au village dans le joyeux tintamarre des "sublets", c'était non seulement la joie de vivre qui s'exprimait, mais également un hommage fidèle rendu à une activité dont NIBELLE était légitimement fier."

Aujourd'hui cette production a disparu. Quelques sifflets ont été réalisés en 1991-1992 à l'occasion de l'ouverture du musée de Nibelle. Cette tentative est restée sans lendemain mais les "sublets" de Nibelle témoignent encore aujourd'hui de la vie villageoise du passé.